Les rites védiques et le yoga.
La transformation de la vie détruite en une vie nouvelle semble une caractéristique même de l’existence.. « Toute vie se nourrit d’une autre vie ….vivre c’est dévorer la vie…» . La nature du monde paraissait aux aryens comme un perpétuel « sacrifice ».
Dans le Veda ,l’existence peut être ramené a un dualisme fondamental » le dévoré (Anna) et le dévorant (Annanda) « . Tout être vivant est le mangeur d’autres êtres et est lui-même nourriture d’autres êtres . Cette fonction est particulièrement apparente dans un élément qui grandit aussitôt qu’il est nourrit et meurt dès qu’il est sans nourriture : le Feu-Agni qui apparaît comme l’origine et le symbole de l’existence et qui va devenir un dieu majeur du panthéon védique.
Le feu.
1/origine et symbole de la vie.
2/il est ce qui brûle, en lien aussi avec le désir.
3/support du progrès de l’humain.
4/moyen de communication avec les dieux.
Agni, est tout ce qui brûle, réchauffe, digère : c’est le soleil, la chaleur, la digestion, le désir (mais aussi le sperme). Il est ce qui a permis à l’homme d’améliorer ses conditions de vie et de domestiquer la nature . L’homme en entretenant le feu , entretient symboliquement la vie .. « Agni ,la bouche des dieux », apparaît comme le plus ancien et le plus sacré des objets d’adoration. Ce dieu puissant devient le support du progrès humain, et c’est a travers le feu que l’homme communique avec les dieux.
La contrepartie d’Agni, le principe dévorant, est Soma, le principe dévoré (l’oblation, l’objet du sacrifice).
Soma est la nourriture de ce feu sacré. C’est le liquide sacrificiel avec lequel les flammes sont ravivées. C’est «l’Eau de Vie», l’ambroisie qui stimule et « enivre » le prêtre. Celui qui boit l’ambroisie participe au divin. Il semble que la plante employée pour préparer ce breuvage soit l’Asclepias acida et peut être aussi le chanvre. La plante broyée et additionnée de beurre clarifié, alimentait le feu et seuls les prêtres pouvaient le boire. Le Soma s’identifie à l’élixir d’immortalité, « l’Amrita », la boisson des dieux. Le Soma est aussi personnifié par un dieu. Un des veda , le « soma veda » est entièrement dédié a Soma représenté comme un dieu puissant et guérisseur de tous les maux .
« …..les fonctions du dévoreur et du dévoré sont les états successifs d’une même chose….C’est ainsi que le feu devient soma et que le soma jeté dans le feu devient le feu lui-même… ». Les rites mettent les hommes en contact avec les dieux. Nous ne pouvons pas vivre sans participer à ce rituel cosmique. C’est par le rituel des sacrifices que l’homme prend sa place dans l’univers. Le but principal de l’existence est l’accomplissement du rituel.
La plupart des textes védiques qui nous sont parvenus se rapportent au rituel des sacrifices. Autour de l’autel védique, dans lequel étaient creusés des bouches de feu, on jetait des offrandes, parfois même des victimes humaines .Les prêtres accomplissaient des rites très codifiés qui prirent des proportions inouïes .Certains sacrifice se déroulait sur plusieurs années, employait des milliers de prêtres et absorbait des revenus considérables , notamment l’ashvamedha (le grand sacrifice du cheval). Un fois commencé le rituel ne devait pas être interrompu car un rituel incomplet ou inexact pouvait causer des catastrophes « …le tort fait au sacrifice rejaillit sur celui qui le commande , d’avoir mal sacrifié lui cause du tort… »
La technique du sacrifice
Le sacrifice est très codifié et comprend, l’offrande, le feu la parole , le geste et «..On ne doit pas offrir le sacrifice pour obtenir la réalisation d’un vœu…. » (Concept que l’on va retrouver dans le yoga)
L’offrande peut varier suivant la divinité a laquelle le sacrifice est adressé. On peut employer du blé, du riz, du beurre, de l’huile, des animaux, du Soma, du vin et aussi des humains. Des sacrifices sanglants dans lesquels plusieurs victimes sont mises à mort sont attestés dans les textes. On peut considérer que le dernier sacrifice sanglant est celui des veuves qui s’immolaient « volontairement » par le feu. Ce rituel d’immolation ,appelé Sati, fut aboli par les anglais au début de XIX siècle.
Dans les rites védiques actuels, l’offrande est habituellement faite de beurre clarifié (le ghee), d’huile, de graminées ou de céréales versés dans le feu qui brûle dans un foyer de forme carré. C’est la « puja » pratiquée quotidiennement à l’aube et au coucher du soleil.
A ce rite du sacrifice extérieur va , ultérieurement, se substituer le concept de« sacrifice intérieur ».
Le rite…………………aux origines du yoga
Les vedas qui constituent la base de toute la pensée indienne, expriment des enseignements révélés directement par le divin a de grands maitres, des voyants, les rishis. Certains chercheurs ont pensé identifier une première posture de yoga dans une pièce trouvée lors de la fouille de Mohenjo Daro. Il s’agit d’un sceau représentant un dieu cornu assis dans une position proche de la posture du lotus. Ce dieu est considéré comme l’ébauche du dieu Shiva. Il est difficile de savoir si les indiens des temps védiques, connaissaient des disciplines s’approchant de ce qui deviendra le yoga. Il semblerait que le yoga classique découle d’une lente maturation, d’intégration, d’expériences multiples permettant a l’homme d’acquérir un état de stabilité intérieure et de quiétude.
Dans les Rig Veda les récits de la création du monde, mettent en évidence l’importance du rite, pour communiquer avec les forces divines. Le rite désigne l’acte qui rattache l’humain au divin ; quand le prête récite les textes sacrés, accomplit les gestes codifiés , il régénère le temps humain. Nous ne sommes pas très loin du yoga. Le sacrifice permet à celui qui l’accomplit ou à son groupe de passer d’un statut à un autre.
Le Rta ou l’Ordre cosmique
A la base de la notion de rta (ou rita), il y a l’idée du retour régulier des phénomènes cosmiques, leur caractère immuable et toujours conforme à eux-mêmes. Si les fleuves coulent normalement, c’est qu’ils coulent selon le rta. Si l’aurore luit normalement tous les matins on dit que « l’aurore née du ciel luit selon le rta ».
Dans la sphère cosmique, si les choses se déroulent comme il faut, elles se déroulent selon le rta.
Dans la sphère religieuse, agir selon le rta, c’est d’abord accomplir les rites correctement selon les règles et selon sa classe. Mieux, l’idée prévaut dans le Rig Veda que l’acte sacrificiel reflète la norme de l’univers tout entier. Cette norme y vit. Il y a une symétrie entre rta cultuel et le rta cosmique. Le sacrifice maintient le rta.
Dans la sphère humaine, agir selon le rta, c’est agir selon la loi morale (le dharma) c’est agir selon la fonction qui nous est assignée.
Le lien entre le rta et le sacrifice est parfaitement illustré par l’idée suivante: Certes si se soleil se lève tous les matins, c’est selon le rta, mais s’il se lève aussi, c’est parce que tous les matins au lever du soleil est célébré le rituel .
D’où l’idée qu’Agni le dieu du feu sacrificiel est gardien de l’ordre cosmique.
Dans le rta, il y a également la notion d’harmonie: il s’agit pour l’homme de vivre conformément au rta ou au dharma, c’est a dire, en harmonie avec les rythmes cosmiques.
Peu à peu dans certains textes, le sacrifice primordial, va se muer en une recherche de techniques, de visions, grâce auxquels l’homme pourra accomplir en « lui-même le sacrifice intérieur »